vendredi 19 août 2011

L'investissement maternel

Ce qui a été le plus difficile (et ce contre quoi je me bats encore régulièrement) dans mon rôle de maman, c'est de ne pas investir Noé d'une mission, de ne pas le surinvestir, de ne pas penser à sa place, de ne pas lui demander d'être ce que je n'ai pas été ou de ne pas le considérer comme une plusvalue éventuelle à la femme que je suis.

J'ai eu très tôt à cœur, dès les premières secondes de sa vie, de ne pas interpréter ses envies, ni ses besoins, à outrance. Je me refusais catégoriquement à mettre des intentions très claires sur les énergies qu'il déployait à faire tel ou tel geste. Tout au plus, je me contentait de les décrire et, parfois, d'y adjoindre une émotion, lorsque celle-ci me semblait évidente et qu'il me semblait qu'en mettant un mot dessus, elle deviendrait pour évidente pour Noé aussi.

Je repensais à mes souffrances d'enfant, lorsqu'on me donnait, beaucoup trop souvent, un rôle, une intention qui n'était pas la mienne, une volonté que je ressentais comme à 1000 lieues de ce qui était moi. Ainsi, l'attention qu'on me portait finissait par me blesser parce que tout ce que je voyais à travers cette attention était un manque cruel d'intérêt réel pour moi et c'était mon individualité propre que je sentais trahie.

J'ai peut être pêché par excès. Probablement, même.

D'autant plus que, à l'inverse, j'ai eu beaucoup de mal à ne pas investir Noé de mes attentes, de mes espoirs, comme si sa réussite témoignait de la mienne. Il a usé de beaucoup d'énergie, je pense, à refuser cette pression... Et je l'en remercie.

Une citation exprime très bien les raisons pour lesquelles j'ai toujours refusé d'être fière de Noé, mais aussi, finalement, ma faillite en ce domaine, pendant longtemps. Je me refusais à être fière de ce qu'il était mais je ne pouvais pas m'empêcher d'être triste en colère lorsqu'il n'était pas l'enfant qui ferait de moi "une bonne mère".

"Nous investissons narcissiquement un objet lorsque nous ne le considérons pas comme centre de sa propre activité, mais comme une partie de nous-même. Si cet autre être ne se comporte pas comme nous l’attendons, nous sommes immensément déçus ou même blessés." Alice Miller

Petit à petit, j'arrive à regarder Noé avec beaucoup plus de bienveillance et, surtout, plus de distance. J'arrive à ne pas me projeter sur lui, ni mes envies, ni mes besoins, ni mes manques à combler. J'arrive à être heureuse du petit homme qu'il est, non pas pour ce que ça raconte de la maman que je suis, mais parce que je sens, je sais, que ça le rendra heureux. J'essaye, autant que possible, de ne pas attendre de lui qu'il me légitime dans mon rôle de mère. 

Je n'y arrive pas toujours... mais le considérer comme un individu unique et entier est très certainement la première étape qui permet d'y arriver. La sensation de ne pas être omnisciente à son égard est la suivante. Tout le reste se fait à tâtons, en se trompant souvent mais en cherchant, toujours, à lui offrir le meilleur de moi-même.

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