Ton silence

Est-ce qu'elle dort ? Je ne sais pas. Le silence dans sa chambre semble donner son avis sur la question. Est-ce qu'elle dort pour quelques minutes ou quelques heures ? Combien de temps devant moi ? Je reste là, en suspend, à attendre en écoutant ce silence. Je devrais m'activer, bouger, faire tout ce qui n'est pas possible quand elle ne dort pas. Avant, c'était facile. Je la posais n'importe où, devant la douche ou même ailleurs, et je faisais ce que j'avais à faire. Tout a changé. Elle a changé. Elle est partout à la fois, à tenter toutes les aventures et je dois lui sauver la vie 5 fois en 10 minutes. L'empêcher de monter les escaliers, enlever l'échelle du lit de son frère, fermer les armoires à clé sous peine de la retrouver au milieu des débris d'assiettes, lui demander de recracher les petites pièces de playmobils... Je ne peux rien faire qui ne soit interrompu 20 fois. La fatigue se fait sentir.
Le silence s'installe pour de bon. Elle dort, c'est presque sûr. Vas-y, bouge-toi ! Qu'est-ce que tu attends ! Pourquoi tu restes là, sans rien faire, plantée comme une conne ! Ne te plains pas, après, de ne pas avoir fait ce qui était à faire. Encore le silence et le cerveau qui carbure. La douche, la cuisine, l'aspirateur... non, pas l'aspirateur. La douche, la cuisine, le balai, tant pis pour les tapis. Par où commencer ? Comment rentabiliser cette sieste providentielle ? Et je me prends à rêver de ce temps où le temps m'appartenait, à moi et à moi seule. Je me prends à rêver de tout ce temps à ne rien faire qui ne faisait jamais que post-poser à plus tard les choses à faire, sans aucune incidence.
Oui, il faut agir, faire ce qui est à faire... Mais écouter ce silence, que c'est bon. Savoir qu'elle est là qui dort et qu'enfin je peux m'asseoir, ne rien faire d'autre que d'écouter le silence laissé par son sommeil, c'est bon aussi. La douche attendra un peu. La vaisselle aussi. On passera l'aspirateur ensemble, ça la fera rire. Dors encore un peu ma fille, maman écoute le silence.