J'étais à l'époque entourée d'acteurs, de chanteurs, de peintres, de sculpteurs, de dessinateurs, d'orateurs et amoureuse d'une intelligence pure, manipulateur de cartes mais pas de coeurs, ça me changeait. Jusqu'alors, j'avançais le corps tout étriqué dans le manque d'assurance qu'on m'avait légué. J'avançais, ado en mal de reconnaissance, cherchant l'aumône d'une phrase gentille, d'un compliment, d'une caresse. Pour ça je mettais du mascara sur mes cils et je riais aux blagues imbéciles des hommes sans saveur. Mais Nathan m'a fait grandir, un peu.
Avant lui, j'étais montée sur des planches pour faire plaisir à Juliette (que n'ais-je pas fait pour faire plaisir à Juliette?) et ça m'a emmenée à Avignon, Varsovie, Jérusalem. De planches en planches les applaudissements crépitaient et les compliments aussi, gentils et doux. Pourtant, le coeur n'a pas cédé et j'ai compris qu'à l'intérieur il fallait trouver comment s'ouvrir pour prendre plaisir.
Pour quelques sous j'ai écumé les ateliers d'artistes, sculpteurs, dessinateurs, photographes, peintres. Je me suis sentie belle sous leur regard, belle sous leurs outils et j'ai aimé entendre la pluie battre la mesure du temps long entre deux poses, sur la verrière. J'ai aimé trembler sous le poids d'une pose audacieuse, jouant contre moi-même le jeu de la persévérance, et gagner, toujours. J'ai aimé ce rôle de la bohème et je m'y sentais bien.
J'étais spectatrice du talent des autres et je me sentais chanceuse de l'être. Petit à petit, j'ai fini par me demander si j'en avais un aussi... Et j'avais beau creuser le fond, y avait jamais rien d'autre que de la terre. Pas de pépite, rien.
J'ai rencontré Vincent, musicien charmeur, charmant, jouant de son accordéon comme de moi. Tantôt grâve, tantôt dilettante. Et j'ai compris que nous étions partis pour un bon petit bout de vie. La femme de l'artiste, ça me convenait finalement bien.
Je suis devenue maman. J'essaye de ne pas faire peser sur mes enfants ce manque là, cette incertitude, cet inconfort parfois de n'être jamais que l'intalentueuse. J'aimerais leurs donner l'étincelle. J'aimerais leur donner le pouvoir d'éveiller leur créativité. J'aimerais qu'ils se sentent libre d'être talentueux. Pour quoi que ce soit. J'ai l'impression que ce doit être réconfortant de pouvoir se reposer sur quelque chose que l'on sache vraiment faire, de temps en temps, le long d'une vie. J'aimerais qu'ils l'aient, cet îlot intime. Mais je ne sais pas si ça se commande, je ne sais pas si ça se désire, je ne sais pas si ça se fait tout seul.
Et si ça ne se fait pas, j'aimerais qu'ils soient entourés comme je l'ai été, de femmes et d'hommes merveilleux. De femmes et d'hommes capables de montrer la jolie face de l'humanité. Parce que c'est ça, le talent.
(et voici la vidéo qui m'a inspiré le texte)
Tu as un talent incroyable pour écouter, comprendre, tu maîtrises l'empathie comme personne. Tu pèses à merveille la franchise et la diplomatie. Tu as une capacité particulière à te remettre en question tout en restant toi-même. Ce n'est pas donné à tout le monde. En fait c'est même donné à très peu de gens!
RépondreSupprimerTu es également très talentueuse pour mettre des mots sur des sentiments, sur des sensations, pour que chaque chose un peu nouée devienne belle et harmonieuse. Tu es aussi une pédagogue très douée et tu as des facultés carrément impressionnantes lorsqu'il s'agit d'expliquer ou d'argumenter un point de vue. Je veux bien être aussi intalentueuse que toi ;-)
Bon... Heuh... voilà, je suis gênée. Merci Sophie...
RépondreSupprimerMais toi, par exemple, tu sais fixer le réel pour en faire quelque chose d'encore plus beau.