vendredi 29 juin 2012

Notules

Je me suis retrouvée, comme de pas fait exprès, avec le petit livre blanc. Il est resté longtemps à trainer dans l'appartement, sans que je m'y plonge. J'avais deux autres livres sur le feu, j'avais envie de légèreté, marre de la confrontation avec mes sentiments bafoués.

Finalement, pour amuser une attente prévue trop longue dans la salle d'attente d'un syndicat, je l'ai embarqué avec moi.

"Notules" est un recueil de textes des élèves, parents et proches de feu l'école "Pédagogie Nomade" à propos de leur utopie devenue réelle.

Ça se lit par petites doses. La première partie, surtout, celles des élèves, passés, futurs ou présents. C'est l'expression général d'un espoir retrouvé pour des jeunes êtres qui n'y croyaient plus. Des rêves, des espoirs, de l'attente et du réalisme. Non, ce n'est pas facile de se prendre en main. Ce n'est pas facile d'être en dehors des clous. Oui, c'est plus confortable d'avoir une scolarité sans souci dans une école normale. Pour quels résultats ?

J'ai eu une scolarité sans problème dans une école pourrie normale. J'ai aimé l'école plus que de raison. J'étais le genre d'élève que l'on encourage, que l'on félicite. Mes profs de français successifs lisaient mes travaux à voix haute, pour l'exemple. Mes professeurs d'anglais, de physique et même de math m'encourageaient à poursuivre mes études universitaires dans leur branche tant ils étaient persuadées que c'était ma voie. Une si bonne élève. Et même quand j'ai raté une année, par manque d'humilité, le corps professionnel m'entoura de tout son soutien et de tous ses "on ne comprends pas, comment une élève aussi intelligente que toi peut-elle se retrouver là ?"

Je n'étais pas intelligente. J'étais apte à l'apprentissage forcé. J'étais un animal domestique. Un chat en manque de caresse prêt à tout pour un câlin. Aujourd'hui, j'ai tout oublié, je ne sais plus rien et je regrette ce temps béni où il suffisait de savoir retransmettre un savoir pour donner l'illusion de l'avoir intégré. C'était tellement facile.

J'ai deux frères qui eux n'ont pas aimé l'école. Deux frères qui se sont battus avec la machine scolaire dans tout ce qu'elle a de discriminant, d'injuste et d'humiliant. Pendant longtemps, je ne les ai pas compris. Comment pouvaient-ils ne pas être capable de l'effort minimum pour obtenir la bonne note ? Qu'est-ce que j'étais conne et présomptueuse. J'ai vu mes deux frères vidés, en souffrance scolaire permanente. Et j'ai vu "tout le monde" ne s'intéresser qu'à ça : "Alors Antoine, ça va l'école ? Tu crois que tu vas passer ?" - "He, Max, t'as combien d'examen de passage cette année ? Ca va aller, non ?" Moi la première je nourrissais un sentiment de supériorité absurde...

Tellement absurde.

J'ai lu "Chagrin d'école" de Daniel Pennac et j'ai pleuré. J'ai pleuré en pensant à mes deux frères et à tous ses "oiseaux blessés" qui ne rencontraient personnes sur leur route pour les relever délicatement, avec le plus simple amour.

Puis j'ai lu "Libres enfants de Summerhill" de A.S. Neil et j'ai souri. Un homme avait été là un jour pour les prendre en main, pour penser autrement le savoir et la transmission. C'est souvent en pensant autrement, qu'on pense bien. J'ai souri en pensant à tous ces hommes, toutes ces femmes, partout dans le monde, qui pensaient autrement et qui sauvaient quelques enfants de la machine à penser droit. La machine à pas penser.

En lisant les notules, je vois plein d'enfants, de jeunes adultes, aux portes du désespoir si souvent côtoyées par mes frères, qui ont choisi d'y croire encore un peu, d'espérer, peut être une dernière fois. Et je trouve ça beau.

Dans la deuxième partie, la parole est donnée aux parents d'élèves. C'est beau l'amour qu'ils ont pour leurs enfants, la confiance qu'ils donnent, le plaisir qu'ils ont à voir leurs enfants évoluer, s'ouvrir, s'épanouir, apprendre à aimer apprendre. Et plus que tout, c'est doux de voir des parents croire en leurs enfants plutôt qu'en la machine scolaire.

L'école ne devrait rien faire d'autre que ça : apprendre à aimer apprendre. Ais-je été à l'école ?

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