dimanche 5 juin 2011

Comment il est né

Je me souviens de ce ventre énorme que je ne pouvais plus supporter. Je me souviens d'avoir lâché prise. Je me souviens du "tant pis, je ne dors pas cette nuit, de toute façon, demain on te déclenche !" Et puis le sommeil qui me prend, à 3h00 et me lâche deux heures plus tard, pour une contraction. J'ai tout de suite su. Tout de suite. Je n'ai pas attendu la deuxième pour être sûre. Elle est pourtant arrivée. Puis encore une, et encore une. Vincent dormait à côté de moi. Il a ouvert un oeil et je lui ai dit "ne t'inquiète pas, j'ai quelques contractions. Je pense que c'est bon mais rendors-toi". Il ne s'est pas rendormi et m'a gratifié d'un "mais oui, c'est ça, tu veux que je me rendorme..." en se levant d'un bond.
Puis j'ai pris une douche, pour me soulager, parce que j'avais vu que ça se faisait.

On s'est demandé si on y allait ou pas... On avait prévu de rester le plus longtemps possible à la maison... Vivre les contractions en tête-à-tête jusqu'à ce que ça devienne imminent. Puis en fait, non. Les contractions sont arrivées, j'ai pensé aux embouteillages, j'ai pensé que c'était un jour de grève nationale, que je n'avais pas envie de rester coincée au milieu d'un cortège et j'ai pensé que je voulais aller à l'hôpital très vite, pensant que plus vite j'y serais, plus vite j'accoucherais. Évidemment, c'était stupide, mais comment savoir ?

Avec le recul j'ai compris. J'avais besoin de ça, de ce départ précipité pour la maternité, de ces contractions, de donner la vie là où ma mère l'avait rendue. Comme un rite de passage entre la vie d'avant et la vie d'après.
Avec le recul tout ça paraît important mais sur l'instant... Passer des heures et des heures dans une salle d'accouchement, à désespérer parce que ça n'avance pas, à accepter toutes les mauvaises solutions parce qu'on ne m'en propose aucune de bonne, je ne suis pas certaine que j'en avais besoin.

Mais il n'empêche qu'au bout du compte, tout s'est finalement passé comme pour le plus beau jour d'une vie. Après avoir contenu un "j'y arriverai pas", après avoir cru que ça n'arriverait jamais, il était là, pleurant, gluant mais terriblement là. Et son regard, comme de bien entendu, m'a transpercée.

Il a fallu des jours entiers pour s'apprivoiser. Pas lui, surtout moi. Il a fallu des jours entiers pour qu'il m'apprivoise, pour que je comprenne que ce petit bout d'homme c'était le mien, celui que j'avais porté, fatiguée, épuisée, coléreuse. Il a fallu des jours entiers pour que je dise "oui, il est beau". Pas que je ne l'aimais pas. Pas que je ne le trouvais pas beau. Je n'avais simplement pas d'avis sur la question, comme sur quelqu'un que l'on vient de rencontrer.

De voir mon lait couler le long de sa joue, le sentir rassuré par mon odeur, vivre notre animalité, ... Tout d'un coup ça n'avait plus rien à voir avec ce qu'on raconte. C'était juste la vraie vie... Une vraie vie que j'avais participé à mettre au monde... Une vie qui me rendait responsable, pour toujours. Une vie à chérir. Une vie à combler. Une vie en plus. Une vie qui changerait la nôtre. Tout d'un coup ce n'était plus une histoire de livre, c'était mon histoire. J'étais "maman".

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