lundi 15 octobre 2012

Comment je suis devenue hors la loi

En Belgique, le vote est obligatoire. On peut en penser ce qu'on veut. On peut en penser que ça implique une plus grande part de la population dans le processus électoral. On peut en penser que ça induit un vote "non renseigné" de la part de ceux qui se foutent de la politique comme de leur première culotte. On peut penser que si l'idée initiale était bonne - rendre le vote obligatoire pour que les ouvriers ne se voient pas menacer de perdre leur emploi s'ils se rendaient aux urnes - le caractère obligatoire du vote n'est plus en adéquation avec la société actuelle. On peut penser que le vote obligatoire galvaude la nécessité d'être "citoyen" avant d'être électeur en faisant de quiconque un électeur. Toujours est-il que le vote est obligatoire et que quiconque ne vote pas devient hors-la-loi. Alors je suis hors-la-loi parce que hier, je n'ai pas voté. Ça n'a pas été une décision facile à prendre, vraiment. Je suis le genre de personne qui pense que le vote est important. Le genre de personne qui croit qu'une voix en plus ou une voix en moins, c'est important.

Pourquoi je n'ai pas voté si c'est si important que ça ?

C'est justement parce que c'est important, un vote de plus ou un vote de moins, que je n'ai pas voté. Hier, en refusant de voter, j'ai protesté contre le vote électronique qui rend tout contrôle impossible, que ce soit par le citoyen ou par ses représentants.
"Le législateur a confié la tâche de vérifier le bon fonctionnement des élections aux présidents des bureaux de vote, aux assesseurs et aux témoins des partis. Depuis l’introduction du vote électronique, aucune de ces personnes n’est en mesure d’affirmer que tout s’est déroulé correctement, car ce sont des machines qui opèrent, non pas sous leur contrôle mais sous celui d’experts en informatique : si une machine tombe en panne, le président du bureau de vote fait appel à un technicien d’une firme privée désignée à cet effet. Qui peut affirmer qu’aucun vote ou décompte n’est perdu ou modifié lors de cette intervention ?
Le législateur a bien décidé que des experts, désignés par les assemblées parlementaires, surveilleraient l’ensemble des opérations électroniques avant et pendant les élections. Mais dans leurs rapports concernant les huit élections précédentes, les experts désignés par les divers parlements constataient que, dans la pratique, seuls les techniciens des sociétés qui avaient installé les systèmes étaient en mesure de les contrôler efficacement.Un débat de fond a été organisé au niveau fédéral en juin 2008, après 17 années d’« expérimentation » du vote électronique. A cette occasion, une majorité d’experts ont démontré à quel point le système utilisé en Belgique est inacceptable, principalement parce qu’il rend les élections totalement incontrôlables par les citoyens-électeurs. Les rapports des collèges d’experts désignés par les différents parlements ont, de plus, relevé de nombreux incidents qui ont souvent retardé la disponibilité du résultat de l'élection ; mais ils ne disent rien des incidents qui auraient pu fausser les résultats sans être détectés.
Dans le rapport « BeVoting. Etude des systèmes de vote électronique » rédigé par un consortium d’universitaires à la demande des administrations fédérales et régionales et rendu public en décembre 2007, on peut lire que le système électronique utilisé en Belgique ne répond pas aux exigences du Conseil de l’Europe en la matière1. Plus loin, les auteurs concluent « que le vote électronique entièrement automatisé ne convient pas - à l’heure actuelle - pour la Belgique »2.
Le rapport de l’O.S.C.E. concernant les élections de juin 2007 condamne également notre système à cause de son manque de contrôlabilité." (extrait d'une lettre de protestation type à lire dans son intégralité sur le site de poureva)

Aujourd'hui, à la radio, j'entendais que le vote électronique coûtait 5 à 6 fois plus cher que le vote papier. Dans le même temps, j'entendais qu'on n'avait pas observé de différence notable concernant la rapidité à laquelle les résultats étaient disponibles entre les deux systèmes coexistants en Belgique. Au bureau de vote auquel je me suis rendue hier afin d'y remettre ma lettre de protestation, la file était interminable et les citoyens-électeurs passablement énervés. L'auraient-ils été encore plus si on leurs disait que le système de vote qu'on leur propose coûte plus cher et n'est pas plus efficient que celui qui a été abandonné ? Rien n'est moins sûr, malheureusement, pourtant il faut le dire quand même... 
Parce qu'un vote est un vote, parce qu'on ne peut pas faire comme si ce n'était pas primordial.
Je ne suis pas une militante dans l'âme. Je n'adhère à aucune cause. Je ne me bats pour aucune association. Je n'ai aucun complexe par rapport à ça. C'est dans ma vie de tous les jours que j'inscris mes actes politiques, mes croyances, mes certitudes. Hier, je me suis mise hors-la-loi pour être en accord avec ce qui me semble juste. 


1 Partie I, pp. 254-255.
2 Partie II, p. 6.





1 commentaire:

  1. Je me souviens quand tu avais posté un article sur le vote électronique, et ça m'avait aussi alarmée ... Je suis partie voter car j'aime l'action militante justement du PTB, COMAC, etc. Mais hier, je lisais dans Le Monde Diplomatique un article intitulé "désobéissance civile pour une Europe de gauche" ... Et je pense que le genre de désobéissance civile qui a été la tienne dimanche est le genre d'action qui peut amener à un moratoire sur cette question et peut, peut-être, faire davantage bouger les choses qu'un "simple" vote donc ... Bravo ! :)

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